La fusion nucléaire, le rêve au défi de la réalité 

26/11/2019

"Le "soleil artificiel" de la Chine sera opérationnel en 2020". La nouvelle fait le tour des médias. En première lecture, il semble que la Chine tente par tous les moyens de gagner seule la course à la fusion nucléaire, archétype de l'énergie propre. Pourtant, la réalité est plus complexe : le projet de "soleil artificiel" de l'Empire du milieu appartient à un grand programme international de recherche sur la fusion nucléaire, l'International Thermonuclear Experimental Reactor (Iter). Plongée au cœur d'un Graal scientifique qui éveille tous les fantasmes.

La fusion nucléaire. Outre le côté super-héros de l'appellation, le concept a de quoi faire rêver. Imaginez : contrôler la même énergie que celle qui alimente le soleil. Sans avoir de chiffres, imaginez la puissance que l'on peut en retirer.

Le soleil vu par le satellite SDO de la Nasa.
Le soleil vu par le satellite SDO de la Nasa.

Le nucléaire vient du latin nucleus, "noyau". C'est tout ce qui concerne les atomes, ces briques de matière composés de couples proton/neutron dans leur noyau, et les électrons, qui gravitent autour de celui-ci. Tout ce qui nous entoure est composé d'atomes, et on s'est rendu compte qu'il était possible d'obtenir de l'énergie grâce à l'énergie atomique.

En bleu foncé, les électrons, en rouge les protons, en bleu clair les neutrons. Les électrons ne gravitent pas de manière aussi linéaire que ce célèbre schéma le suppose.
En bleu foncé, les électrons, en rouge les protons, en bleu clair les neutrons. Les électrons ne gravitent pas de manière aussi linéaire que ce célèbre schéma le suppose.

La scission nucléaire, source d'énergie controversée

La scission nucléaire, c'est le fait de casser des atomes pour dégager de l'énergie. C'est ce qu'il se passe dans les centrales nucléaires. Les atomes, selon le nombre de protons et d'électrons qui les composent, changent de nature : un atome de carbone a six protons et six électrons, un atome d'hydrogène a un proton et un électron. Lors de ce changement, l'atome dégage de l'énergie.

La scission nucléaire est principalement utilisée dans les centrales nucléaires.
La scission nucléaire est principalement utilisée dans les centrales nucléaires.

Le problème, c'est que la scission crée des déchets. Ces déchets sont contaminés et radioactifs : les atomes qui les composent sont devenus instables. Ils se désagrègent en continu, changent de nature en émettant des éléments (électrons, neutrons...). Ils sont très dangereux pour la vie humaine et animale : quiconque s'expose à un élément trop radioactif risque de développer un cancer. Les déchets nucléaires, ce sont bien sûr le combustible utilisé dans les centrales, mais également tous les matériaux de protection utilisés par les ouvriers et ingénieurs de centrale.

La fusion comme réponse ?

Pour répondre aux problèmes de la scission, des scientifiques se sont penchés sur la fusion nucléaire. Le but ? Faire fusionner des atomes, entre eux, pour créer de l'énergie. Le plus difficile est de vaincre la force de répulsion qui empêche les atomes de s'assembler pour former un noyau plus lourd. Pour se faire, il faut atteindre... 150 millions de degrés. Aussi étonnant que cela puisse paraître, cette température n'est pas si compliquée à atteindre. On l'a déjà fait, et même dépassé avec des générateurs comme la Z machine américaine ou SPHYNX en France, qui ont atteint plusieurs milliards de degrés. Non, le plus dur, c'est de réussir à maintenir cette température sans faire fondre le contenant de la réaction.

L'une des bobines magnétique du tokamak dans un entrepôt. ©Iter
L'une des bobines magnétique du tokamak dans un entrepôt. ©Iter

C'est maintenant qu'on en arrive à parler de donut. Imaginez un gros donut, de 29 mètres de haut pour 28 mètres de diamètre et 23 000 tonnes. C'est le tokamak, une chambre inventée par les Soviétiques pour contenir du plasma, un état de la matière (liquide, solide, gazeux...) qui est particulièrement chaud. Les bobines magnétiques du tokamak cantonnent le plasma assez loin des parois pour ne pas les faire fondre. La fusion nucléaire se produit dans le plasma, les parois chauffent, produisant de la chaleur, puis de la vapeur, qui fait tourner des turbines pour fournir de l'électricité.

Du plasma confiné. ©Iter
Du plasma confiné. ©Iter

Sur le papier, tout est parfait. Mais il y a deux problèmes majeurs. Le premier, les disruptions. Le caractère instable du plasma peut provoquer des pertes de confinement. Des millions d'ampères (unité de l'intensité du courant électrique) soit plus d'énergie que des centaines d'éclairs, s'abattent alors sur une toute petite surface du matériau de confinement, l'endommageant durablement. Le second, c'est la quantité d'énergie à fournir. Pour l'instant, il faut dépenser 24 mégawatts pour produire 16 mégawatts... Mais des recherches sont en cours pour trouver des solutions.

Iter, principal acteur de la fusion nucléaire

Iter, pour International Thermonuclear Experimental Reactor, est un projet scientifique international qui compte dompter la fusion nucléaire. Développé depuis 1988, il réunit autour de la même table les communautés scientifiques de l'Union européenne, des États-Unis, de Russie, de Corée du Sud, du Japon, de l'Inde... et de la Chine ! D'où l'annonce d'un "soleil artificiel" appartenant à la Chine : le tokamak Iter est situé en France, mais des tests sont effectués dans les pays membres. La Chine a donc sa propre zone d'expérimentation avant la mise en route du réacteur Iter à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône.

 Le bâtiment qui abritera le tokamak. ©Iter
Le bâtiment qui abritera le tokamak. ©Iter

Iter a pour projet de contrôler la fusion nucléaire dans les vingt prochaines années, pour une application industrielle dans les années suivantes. Mais le dépassement du budget est à l'image de son ambition : hors-normes. De 5 milliards d'euros au départ, le coût est dorénavant de 18,6 milliards. Le projet a également pris du retard. Le premier test d'activation du plasma devait avoir lieu en 2020, il est finalement repoussé à 2025.

Léopold Picot


Pour comprendre comment carbure une étoile ou quel rôle a à jouer le deutérium dans la fusion nucléaire humaine, on se retrouve sur l'article pour amateurs confirmés !


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