JWST : le télescope des Âges primaires 

12/01/2020

Il y a 30 ans, la Nasa définissait le cahiers des charges d'un nouveau télescope vedette afin d'assurer la relève de Hubble, le célèbre télescope optique américain. Celui-ci était censé s'arrêter en 2005, puis en 2010, mais continue aujourd'hui de fonctionner.  Heureusement, car le futur télescope de la Nasa, baptisé James Webb, a pris du retard : 14 années exactement. Il devrait décoller l'an prochain. Mais qu'est ce qui le distingue de Hubble ? Quelles sont ses missions ?

L'ingénieur de la Nasa Ernie Wright face à l'assemblage du miroir primaire du télescope James Webb, en 2017. ©NASA/MSFC/David Higginbotham
L'ingénieur de la Nasa Ernie Wright face à l'assemblage du miroir primaire du télescope James Webb, en 2017. ©NASA/MSFC/David Higginbotham

Plus l'on regarde loin, plus l'on voit dans le passé. C'est une idée qui peut paraître absolument contre-intuitive pour certains, totalement logique pour d'autres. Rapidement : la lumière se propage à une vitesse de 300 000 km/s. Or, c'est la lumière que renvoie un objet qui nous permet de le percevoir avec nos yeux. À l'échelle terrestre, la lumière semble nous parvenir instantanément. Mais lorsque l'on change d'échelle, au niveau de notre système solaire, de notre galaxie, de notre Univers, les distances deviennent très grandes et même la lumière prend du temps pour nous parvenir.

Proxima du Centaure en 2013 (dont la lumière est donc partie en 2009...)ESA/Hubble & NASA
Proxima du Centaure en 2013 (dont la lumière est donc partie en 2009...)ESA/Hubble & NASA

Par exemple, Proxima du Centaure est une étoile de la Voie lactée qui se situe à quatre années-lumières de nous. Une année-lumière, c'est la distance que parcourt la lumière en une année : il faut donc quatre ans à Proxima du Centaure pour nous faire parvenir sa lumière ! On voit donc cette étoile comme elle était il y a quatre ans. La conséquence ? Plus on regarde loin, plus on voit dans le passé. Or, le nouveau télescope de la Nasa va voir loin, très loin.

Webb, un successeur de Hubble ?

James Webb Space Telescope est un télescope de nouvelle génération. S'il va prendre le "relais" de Hubble dans le sens où il est l'un des instruments les plus chers et les plus importants envoyés dans l'espace et qu'il va progressivement voler la vedette de ce cher Hubble, il est différent de ce dernier sur de nombreux points.

Tout d'abord, son orbite. Hubble est situé sur une orbite proche de la Terre : seulement 600 kilomètres ! James Webb Space Telescope (JWST) sera situé à plus de 1,5 millions de kilomètres, soit un peu moins de quatre fois la distance Terre-Lune. L'objectif est de refroidir au maximum les éléments du télescope qui observent dans l'infrarouge. L'infrarouge, c'est un rayonnement émis par un corps selon sa température. Les longueurs d'ondes de l'infrarouge sont supérieures à ce qu'un être humain peut percevoir (le spectre visible). Elles sont très intéressantes pour percevoir des objets lointains, mais le problème c'est que si les instruments ne sont pas refroidis, ils vont émettre des rayonnements infrarouges qui vont interférer sur leurs calculs. Le but est donc de s'éloigner au maximum de la Terre pour éviter toute interférence. Afin la chaleur du soleil ne vienne pas réchauffer ses instruments, le télescope a un immense pare-soleil de 22 mètres de long pour 11 mètres de large, et une partie des instruments seront refroidis avec du liquide cryogénique pendant plusieurs années.

Le pare-soleil du télescope. ©Northrop Grumman/Alex Evers
Le pare-soleil du télescope. ©Northrop Grumman/Alex Evers

C'est d'ailleurs un des éléments qui le distingue de Hubble : sa durée de vie. Alors que Hubble pouvait être réparé, JWST ne le pourra pas : il est bien trop loin de la Terre. Une partie de ses instruments seront obsolètes dès qu'ils ne seront plus refroidis. Ils sont censés fonctionner au moins cinq ans et demi après son lancement. Dix ans après son lancement, le combustible qui lui permet de corriger sa trajectoire pour rester sur son orbite, l'ergol, aura été consommé. JWST finira donc sa vie à dériver dans l'espace.

Le miroir primaire de Hubble fait 2,4 mètres de diamètre contre 6,5 mètres pour celui de JWST. ©Nasa
Le miroir primaire de Hubble fait 2,4 mètres de diamètre contre 6,5 mètres pour celui de JWST. ©Nasa

Voir plus loin, plus tôt

Le télescope James Webb a pour objectif premier de détecter des galaxies bien plus lointaines que ne pouvait le faire Hubble, avec une qualité inégalée. Webb a une qualité d'image 100 fois supérieure à celle de Hubble. Le but est de remonter seulement 300 millions d'années après le Big Bang. C'est exceptionnellement proche, à l'échelle des 13,8 milliards d'années de l'Univers. On pourrait ainsi analyser la formation des premières galaxies.

On espère même, peut-être, avoir une image de meilleure qualité que celle ci-dessus de la lumière primaire de l'Univers, appelé le fond diffus cosmologique. Cette lumière, la première détectable depuis le Big Bang, ne serait sa cadette que de 380 000 années.

L'avantage de voir dans l'infrarouge, c'est que Webb pourra voir au cœur des amas de poussières et de gaz, où naissent les étoiles et les systèmes proto-planétaires. Pour vous donner une idée, voilà ce que donnerait la célèbre image des Piliers de la création de Hubble vue dans l'infrarouge :

Le travail de Webb ne s'arrêtera pas là. Il fera également avancer l'exobiologie en analysant les exoplanètes, ces planètes qui ont des caractéristiques physiques similaires à notre Terre. Il sera capable de détecter des traces d'hydrogène sur des planètes de systèmes solaires proches et d'analyser la composition de l'atmosphère de certaines planètes.

Léopold Picot


Pour aller plus loin , j'ai réalisé avec Pierre Guillard, astrophysicien à l'IAP, un entretien sur le JWST, il est disponible ici.

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